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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/737

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— Oh ! oh ! fit le cabaretier avec un mouvement de vanité satisfaite, un chef dans ma pauvre maison !

— Vous cacherez ces hommes…

— Le chef aussi ?

— Le chef aussi, de manière à ce que personne ne puisse soupçonner leur présence chez vous.

— Comptez sur moi pour cela.

— Connaissez-vous la ferme ?

— Comme ma propre maison.

— Cela pourra servir. Y a-t-il beaucoup de monde ?

— Non.

— Combien de personnes ?

— Trois maîtres et huit domestiques.

— Pas d’autres gens ?

— Ils avaient une vingtaine de tâcherons…

— Que sont-ils devenus ?

— On les a renvoyés.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas trop… on les a renvoyés, il y a deux jours, bien que l’ouvrage ne soit pas terminé.

— Donc, il reste onze personnes.

— Juste.

— Ce soir, nous serons dix.

— Dix ! fit Anthime avec étonnement.

— La partie est égale.

— Vous ne comptez pas les voyageurs arrivés cette nuit ?

— Diable ! Bast ! nous mettrons les morceaux doubles… à la grâce de Dieu ! Dites-moi… y a-t-il des chiens ?

— Quatre.

— Méchants ?

— Féroces !

— Pauvres bêtes !… Il faudra prendre garde.

— Oh ! avec de bonnes boulettes ce ne sera pas long.

— Je ne voudrais pourtant pas les tuer.

— On tâchera de les épargner.

— Encore un coup, fit le voyageur en entamant la dernière bouteille.

— Avec plaisir.

Ils burent de nouveau.

— Ouf ! fit le voyageur après avoir bu, je me sentais l’estomac dans les talons, j’avais vraiment besoin de prendre quelque chose. Je me sens tout guilleret, maintenant.

— Quelque chose ! grommela le cabaretier.

Le voyageur avait tout dévoré.

— Que vous dois-je ? demanda-t-il.

— Vous ne partez pas encore ?

— Non, je reste.