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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/801

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sonnière ? Nous étions perdus, nous aussi, car nous ne nous serions jamais retirés de ses griffes. J’ai entendu tantôt toute sa conversation avec son prisonnier… Elle vous a devinée… Il fallait voir le désespoir de ce pauvre monsieur Passe-Partout à l’idée que vous pouviez être ou tomber dans ses mains. Je vous le répète… tout serait perdu en restant plus longtemps… croyez-m’en, not’ demoiselle.

Mademoiselle ! il l’a appelée mademoiselle ? s’écria le vicomte avec émotion.

— Oui.

— Tu disais : deux hommes.

— Paraîtrait qu’un des deux hommes était une femme. Après ça, moi, je n’en sais rien, répliqua l’enfant… ; moi, je vous dis ce qu’ils se disaient, voilà tout.

— Continue.

— « Croyez-m’en, not’ demoiselle, faisait le plus grand, dans son intérêt même, ne tombons pas au pouvoir de sa cruelle ennemie.

« — Sait-il au moins que j’étais près de lui, que je veillais comme une sœur dévouée ?

« — Il se savait protégé par une amitié généreuse ; c’est la comtesse qui, sans le vouloir, lui a fait comprendre que cette affection, c’était la vôtre. Si vous tenez à lui être encore utile, commencez par ne pas perdre votre liberté d’action.

« — Pauvre Noël ! a dit la demoiselle.

« — Je ne sais point par exemple de qui qu’elle parlait.

— Je le sais, moi. Va, mon enfant, va, reprit le vicomte.

— Il n’y a plus grand’chose à ajouter. Après avoir dit quelques mots si bas, si bas que j’y ai rien entendu, ils se sont mis à courir comme des fous à travers champs. Et bien le bonsoir… n, i, ni, fini… Voilà, not’ monsieur, vrai, d’honneur, c’est la pure vérité du bon Dieu !

— Tu es un gentil garçon, dit le vicomte de Luz en donnant une petite tape sur la joue du petit gars, je ne t’oublierai pas, tu entendras parler de moi un de ces jours.

— C’est ben d’ l’honneur, not’ monsieur. Maintenant, vous n’avez plus besoin de moi ?

— Non.

— Alors, je m’en retourne à la maison… j’ vas m’ sécher un brin…, je suis trempé comme un chien de mer qui sort de l’eau.

— Tends ta main.

L’enfant obéit.

Le vicomte lui remit deux pièces d’or.

— Voici deux louis.

— Deux louis…, de vrai…, pour moi ?

— Oui.

— J’aimerais mieux deux écus de cent sous, fit l’enfant avec une petite moue dédaigneuse.

— Eh bien ! donne-les à ton père…, il te les changera, répondit le vicomte en riant.