Aller au contenu

Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, mais si nous arrivons les premiers, nous autres ? demanda le vicomte.

— Ah ! ouiche ! ricana Mouchette.

— Tu dis ?

— Je dis qu’on n’arrive pas avant nous, à route égale.

— Et comme votre chemin est plus court que le nôtre.

— Donc, monsieur le vicomte, ne vous préoccupez pas d’autre chose que de notre signal à nous autres.

— Soit. D’ailleurs, au besoin, je l’imiterai de mon mieux.

— Vous êtes donc bien bon musicien ? demanda Mouchette.

— Gamin ! fit la Cigale.

— Assez ! interrompit le vicomte René de Luz. Va pour le coup de sifflet de la Cigale.

— Sans compter que le capitaine le connaît bien, allez !… ajouta le colosse.

— Parbleu ! vieux, fit Mouchette… croirais-tu que je l’ai demandé en passant à la volière du Jardin des Plantes ?

— Cré môme, va !… Partons-nous ?

— Oui, dit René.

— En avant ! bredouilla le gamin.

— Ah ! un mot encore, dit René… Pas d’armes à feu… si c’est possible.

— Bien, monsieur. On ne s’en servira qu’à la dernière extrémité.

— Ran ! plan ! ran ! plan ! plan ! ran ! plan ! plan ! plan ! tire lire en plan ! chantonna Mouchette figurant une charge imaginaire.

On partit.

Les deux troupes se remirent en marche, mais cette fois ce fut presque en se tournant complètement le dos.

Une demi-heure s’écoula.

Enfin, un sifflet strident et bizarrement modulé traversa l’espace.

C’était le sifflet que le comte de Warrens avait entendu au moment de s’endormir, et qui lui avait subitement donné l’éveil.

Une imitation lointaine et faible du sifflet chanteur de la Cigale lui répondit.

Les deux troupes se trouvaient arrivées, chacune de leur côté, sous les murs de la ferme.

Elles étaient prêtes à l’action.

La Cigale commença avant tout par passer en revue, le plus attentivement possible, le trou qui avait été découvert, pendant la journée, par son ami Mouchette.

Son inspection passée, le géant s’empara d’une forte pince en fer, et par des pesées adroites et vigoureuses, silencieuses surtout, il descella successivement les pierres, que ses compagnons enlevaient au fur et à mesure.

Grâce aux intelligentes préparations de Mouchette, un quart d’heure à peine suffit pour pratiquer une ouverture par laquelle deux hommes de moyenne encolure pouvaient passer de front, et par laquelle la Cigale pouvait, lui, passer tout seul.

Les Invisibles pénétrèrent en silence dans le hangar.