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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/919

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— Laissez-moi vous accompagner, je vous en prie, capitaine.

— Non, te dis-je ; ce soir, c’est impossible ; reste ici.

— Vous le voulez ?

— Je te l’ordonne.

L’enfant courba la tête, se détourna et se rassit tristement.

— Tu m’en veux, petit, tu es fâché contre moi, tu as tort, lui dit alors le comte avec bonté.

— Je n’ai pas le droit de vous en vouloir ni celui d’être fâché contre vous, capitaine, mais je sais ce que je ferai, fit-il en hochant la tête d’un air résolu.

— Que feras-tu ?

— C’est mon secret, cela, capitaine ; vous gardez les vôtres, laissez-moi maître de garder le mien, répondit Mouchette en le regardant de cet air gouailleur, dont il n’avait pu complètement se défaire encore, même vis-à-vis de Passe-Partout, son chef bien-aimé.

— Quelque folie, sans doute ?

— Je ne serai pas le seul, dans tous les cas, fit en riant le gamin.

— Allons, tu ris, tout va bien ; adieu, Mouchette.

— Au revoir, capitaine, à bientôt, répondit-il avec intention.

M. de Warrens sortit sans plus s’inquiéter de l’enfant.

À peine fut-il seul dans l’antichambre que Mouchette bondit sur ses pieds et s’élança vers une porte de communication.

— Alerte ! alerte ! cria-t-il.

Deux hommes parurent aussitôt, armés jusqu’aux dents.

Ces deux hommes étaient nos vieux amis, la Cigale et Filoche.

— Suivez-le, dit l’enfant, d’un ton qui n’admettait point de réplique, il va à Sydney-Coves, j’en suis sûr.

Les deux Compagnons de la Lune ne se firent pas répéter cet ordre ; sans hésiter, ils quittèrent la maison et s’éloignèrent au pas de course sur les traces de leur capitaine.

Et maintenant, comment se faisait-il que Mouchette connaissait si parfaitement l’endroit sinistre où se rendait en ce moment le capitaine des Invisibles ?

Nous le dirons, au risque de faire descendre le gamin dans l’estime du lecteur.

Mouchette, lui aussi, avait reconnu l’écriture de Mlle Edmée de l’Estang sur l’adresse de la lettre qu’il avait remise à son chef ; aussi en voyant l’émotion et la stupeur que cette missive avait causées au capitaine, il avait profité de cette prostration momentanée pour s’approcher doucement, se pencher et lire la lettre par-dessus l’épaule de son protecteur ; puis, cette lecture terminée, il s’était reculé en hochant la tête et en fronçant le sourcil, comme si un grand travail se faisait dans sa cervelle.

Cependant le comte s’était résolument mis en chemin, enveloppé soigneusement dans son manteau, la main sur ses armes, l’œil et l’oreille au guet, et tenant toujours le milieu de la chaussée de crainte de surprise.

Mouchette n’avait pas menti.

Le temps était en effet horrible ; la pluie tombait à torrents et le vent