Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/130

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avaient bien roulé sous la table où ils ronflaient comme des tuyaux d’orgue, mais leurs chutes étaient passées inaperçues ; ils avaient tout doucement glissé de leurs sièges sans causer le moindre scandale, et les autres convives avaient seulement profité de ces accidents pour éloigner leurs chaises et se mettre plus à leur aise.

Quelques-uns des chefs de la flibuste, seuls, s’étaient ménagés et avaient conservé tout leur sang-froid : c’étaient, avec M. d’Ogeron, Montbarts, Vent-en-Panne, le Poletais, Michel le Basque et le capitaine Ourson Tête-de-Fer, qui, lui, ne buvait jamais que de l’eau ; mais le capitaine était depuis longtemps connu pour un original, et cette infraction aux coutumes flibustières avait été acceptée d’autant plus facilement que, s’il ne buvait pas, il n’empêchait pas les autres de boire ; au contraire.

Il est reconnu que rien n’altère comme de causer, et Dieu sait si les Frères de la Côte s’en donnaient à cœur joie ; parfois même ils parlaient tous à la fois sans aucunement se soucier des réponses qu’on leur faisait ; et puis, ce soir-la, le temps était à l’orage, l’atmosphère lourde, chargée d’électricité, la chaleur étouffante : autant d’excuses à l’ivresse, si pour les buveurs l’ivresse avait besoin d’excuses.

— Corbacque ! s’écria tout à coup le beau Laurent, en levant son verre plein ; attention ! s’il vous plaît compagnons, je bois au capitaine Ourson