Aller au contenu

Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc, s’il vous plaît, ce comte Henry dont vous semblez ne prononcer le nom qu’avec vénération ?

M. Ducray sourit et s’appuyant sur la table tout en jouant machinalement avec son couteau.

— Monsieur, me dit-il, le comte Henry de Châteaugrand est une de ces natures d’élite, un de ces grands caractères comme la nature n’en coule qu’un sur cent millions peut-être ; vous allez lui être présenté, il est donc nécessaire que je vous le fasse connaître en deux mots.

— Je vous aurai une grande obligation de cette complaisance.

— Le comte Henry de Châteaugrand a aujourd’hui quatre-vingt-seize ans ; c’est un homme de haute taille, aux traits énergiques, fins et distingués à la fois ; son œil est vif ; sa physionomie douce, spirituelle, a une expression de bonté inexprimable à laquelle les longues mèches de sa chevelure argentée, et sa barbe blanche tombant presque sur sa poitrine, impriment un cachet de grandeur et de majesté. Malgré son âge avancé, le comte est robuste encore, sa taille est droite, sèche, nerveuse ; il monte à cheval et chasse comme s’il n’avait que quarante ans ; la fatigue et la maladie n’ont pas de prise sur cette vigoureuse nature ; à moins d’accident imprévu, il est taillé pour vivre cinquante ans encore. Tel il est au physique, tel il est au mo-