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Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/252

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l’aventure dans la campagne, souvent tu m’as toi-même reproché mon humeur vagabonde.

— C’est vrai, murmura doña Elmina en souriant à travers ses larmes.

— Et bien, chérie, c’est probablement à cette humeur vagabonde que nous devrons le secours qui seul te peut sauver.

— Explique-toi.

— Un matin, il y a de cela six semaines environ, j’étais sortie à cheval du village, courant à travers bois sans but déterminé, heureuse de respirer l’air libre de la campagne et de sentir la brise matinale se jouer dans ma chevelure. Tout à coup mon cheval fit un écart si subit que je faillis être enlevée de selle ; je regardai : un homme était étendu sur le sol en travers du sentier et me barrait le passage. Cet homme, vêtu de haillons, la barbe longue, les traits hâves, avait l’aspect le plus misérable. Je mis pied à terre et je me penchai sur lui ; ses yeux étaient fermés, un râle sourd s’échappait de sa poitrine. Je parvins à lui faire reprendre connaissance ; le malheureux mourait de faim. J’allai en toute hâte lui chercher un peu de nourriture au pueblo ; lorsque ses forces furent revenues, il m’avoua qu’il était un Français, un ladron échappé par miracle des prisons espagnoles ; sachant que, si ses ennemis le surprenaient, il serait massacré sans pitié, il s’était traîné jusque dans la forêt, où, pendant quelques jours, il avait vécu de racines et de