Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/116

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ordre de pourvoir à sa nourriture et de ne rien lui refuser. Il ordonna en sus que chacun la traitât avec les plus grands égards.

Mais cette dernière recommandation était inutile ; tout le monde savait à bord que c’était grâce à ses soins que le capitaine avait échappé à la mort : cette raison suffisait seule pour lui assurer les respects de l’équipage.

Depuis ses récents malheurs, le caractère d’Olivier s’était complétement modifié, ou, pour mieux dire, il était redevenu tel qu’il était jadis, dix ans auparavant : il était toujours bon, affable, prêt à rendre service, sur un mot, sur un signe mais sa gaieté avait disparu ; lui le gai causeur, le joyeux compagnon, il était devenu sombre, triste, silencieux ne parlant que lorsqu’il y était contraint, et alors ne prononçant que des phrases sèches, hachées ; ne discutant jamais ; vivant continuellement avec ses pensées, il recherchait la solitude ; demeurant des journées entières enfermé dans sa cabine, et passait presque toutes les nuits à se promener sur le pont, la tête penchée sur la poitrine.

Une seule personne à bord avait le privilège, non pas de l’égayer, ni même de le dérider, mais d’éveiller son attention cette personne était la vieille Mayava, avec laquelle Olivier avait chaque jour de longs entretiens en langue comanche, et que, par conséquent, personne à bord ne pouvait comprendre, sauf les deux interlocuteurs.

Cependant le navire, poussé par une bonne brise, avait atteint les côtes mexicaines, les avait longées pendant assez longtemps, avait doublé le cap San-Pedro, et, passant entre l’île Santa-Cruz