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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/161

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mais qui restait ainsi au fond de son cœur à l’état de radieux amour !

Le reste n’était plus pour lui qu’un mauvais rêve, qu’il essayait d’oublier, et souvent il y réussissait.

Bien des fois, après une longue chasse, accroupi près de son feu de veille, fumant son calumet indien, plongé dans ses méditations, le souvenir de Dolorès s’offrait à lui ; il la revoyait avec les yeux du cœur, telle qu’il l’avait connue ; ses regards se reposaient sur elle avec complaisance ; il lui semblait entendre, comme un écho lointain de la harpe éolienne, les accents si doux de sa voix mélodieuse ; il lui répondait, l’écoutait encore, et, se plongeant de plus en plus dans le monde idéal, il rêvait ainsi tout éveillé, pendant des nuits entières il était heureux !

D’autres fois, quand le temps était sombre, que des nuages jaunâtres, chargés d’électricité, roulaient lourdement dans l’espace, qu’une noire mélancolie s’emparait de lui, sans autre raison apparente qu’une disposition nerveuse, que son esprit troublé lui faisait envisager son existence sous un jour triste et presque désespéré, il prenait dans sa gibecière un volume des Essais, de Montaigne, n’importe lequel, l’ouvrait au hasard, lisait quelques pages, et bientôt il se sentait consolé, son esprit se rassérénait, le sourire revenait sur ses lèvres.

Ainsi s’écoulait la vie d’Olivier, presque constamment solitaire, et par conséquent réduite aux simples exigences de la conservation personnelle.

Pendant ses longues chasses, il s’était lié avec plusieurs chasseurs canadiens de la Prairie, avec