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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/232

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enfin pris mon parti de mon abandon, j’avais complétement oublié que j’avais une famille, lorsque tout à coup… Le diable m’emporte ! se reprit-il, il n’y a qu’à moi que de pareilles choses arrivent ! Ma vie n’est, en réalité, qu’un roman insensé et qui n’a ni queue ni tête. Ce serait à en devenir fou, si je ne prenais pas le parti d’en rire !

Et il éclata d’un rire nerveux ressemblant à un sanglot.

Le banquier était atterré.

La porte du cabinet s’ouvrit, doña Carmen parut.

Elle s’approcha d’Olivier, et lui posant doucement la main sur l’épaule :

— Ami, lui dit-elle de sa voix mélodieuse et sympathique, chacun porte sa croix en ce monde ; la vôtre est d’autant plus lourde que vous êtes fort parmi les forts ! Redressez-vous, soyez homme ! On ne regrette jamais, quoi qu’il arrive, d’avoir fait son devoir, quand on sent battre dans sa poitrine un cœur généreux et grand !

Olivier releva la tête, un sourire triste courut sur ses lèvres.

— Soyez bénie, madame, dit-il d’une voix douce et affectueuse, vos paroles ont pénétré jusqu’à mon cœur, vous m’avez rappelé à moi-même ; oui, vous avez raison j’ai un devoir à remplir. Rassurez-vous maintenant, c’est fini, bien fini, je vous le jure ! Ce devoir, je le remplirai, sans hésitation comme sans faiblesse ; dût mon cœur se briser, vous n’entendrez plus à l’avenir une seule plainte sortir de mes lèvres ; comme le gladiateur antique, je tomberai peut-être pantelant sur l’arène, mais je tomberai en homme de cœur et en souriant à la mort !