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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/234

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Il y eut un silence ; M. Maraval en profita pour quitter le cabinet et sortir.

— Et moi, pourrai-je l’aimer ? murmura Olivier avec un soupir pensif, après un instant.

— Vous l’aimez déjà, mon ami, puisque vous vous adressez cette question, répondit-elle avec un charmant sourire.

— J’en conviens, je me sens attiré irrésistiblement vers cet homme, que, pourtant, je ne connais pas encore ; c’est en vain que j’essaie de réagir contre ce sentiment qui m’entraîne, et cependant j’ai tant de raisons pour le haïr !

— On ne hait pas son père, Olivier ; on le plaint dans son cœur, et on l’excuse, dit doucement doña Carmen.

— Ah ! vous êtes un ange ! madame ; je me sens devenir bon en vous écoutant… Pourquoi ne vous ai-je pas toujours près de moi ?…

— Vous vous calomniez, Olivier ; vous êtes un noble cœur, et vous le savez bien !

— Moi, madame ?

— Eh oui, mon ami ; repassez dans votre mémoire les incidents étranges de votre existence vagabonde ; combien peu d’autres, abandonnés comme vous l’avez été, jetés dans les hasards d’une vie désordonnée, mêlés souvent aux sociétés les plus abjectes, aux hommes les plus pervers, contraints de vivre avec les gens les plus corrompus à chaque heure, à chaque seconde, et cela non pas pendant quelques jours, mais durant des mois, des années entières ; combien peu auraient résisté, et, subissant l’influence dissolvante de ce milieu détestable, auraient succombé ! Vous, au contraire, vous avez vaillamment résisté à tous ces con-