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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/285

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Le marquis avait froncé les sourcils la première fois qu’il avait vu ce nouveau gouverneur assis à sa table ; une raillerie amère était montée à ses lèvres ; mais il s’était contenu, avait haussé les épaules, et jamais depuis il n’avait semblé accorder la plus légère attention au pauvre licencié, lequel, fort intrigué de cette conduite, mais n’osant en demander l’explication, cherchait vainement dans son esprit comment il avait pu encourir la disgrâce de son noble maître.

La marquise avait beaucoup ri de l’aventure, et elle riait encore en la racontant à Olivier ; en somme, elle s’était vengée de son mari ; elle jouissait intérieurement de son triomphe ; il n’y avait pas moyen d’être jaloux du licencié don Antonio Perez de Libresco.

Doña Santa raconta encore beaucoup d’autres choses à son frère, avouant franchement sa jalousie et l’appuyant sur la réputation trop bien établie de son mari, dont le temps, disait-elle, se passait à changer continuellement de maîtresses, sans daigner accorder un regard à sa femme, la seule de toutes qui l’aimât véritablement, et qu’il s’opiniâtrait à rendre si malheureuse par ses infidélités.

La marquise en avait gros sur le cœur ; sa confession fut complète, car elle voulut tout dire : ses confidences durèrent pendant tout le voyage.

Olivier essaya de consoler et de réconforter ce cœur blessé ; mais il n’y parvint que partiellement. La marquise était trop profondément atteinte. Aux raisons plus ou moins bonnes que lui donnait son frère, quand il lui conseillait de prendre patience, elle répondait : « Voilà qua-