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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/333

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cience de cette scène hideuse, criait : Grâce ! et machinalement elle retenait toujours dans sa main crispée la lettre que lui redemandait son mari en redoublant ses coups ; enfin, à bout de forces, elle s’était affaissée sur elle-même et était tombée, défaillante, près d’une chaise longue ; le marquis, arrivé au paroxysme de la folie furieuse, s’était précipité sur elle avec la rage d’un fauve, avait noué ses mains autour de son cou et l’avait étranglée !

Mais à peine le crime avait-il été commis que la réaction s’était faite dans l’esprit du marquis ; toute l’horreur de l’épouvantable forfait qu’il avait commis lui était apparue. Machinalement, instinctivement, poussé par le désir de la conservation, qui jamais n’abandonne l’homme, il avait maladroitement essayé de donner le change et de détourner les soupçons ; il avait rendu le désordre plus grand, avait brisé une fenêtre et inventé une ridicule histoire de voleurs, dont la fausseté devait, dès le premier instant, éclater aux yeux de tous ; puis il s’était lavé les mains, avait rétabli l’harmonie de sa toilette et, devant ses gens, avait joué une hideuse scène de désespoir dont ceux-ci n’avaient pas été dupes : ils étaient accoutumés aux scènes violentes qui, chaque jour, avaient lieu entre les deux époux ; ils avaient tout entendu, croyant à une querelle comme celles auxquelles ils assistaient si souvent dans cet intérieur tourmenté, ils n’avaient pas osé intervenir ; mais lorsque le marquis, continuant sa lugubre comédie, avait donné l’ordre d’aller au plus vite prévenir l’Alcade de Barrio, deux ou trois valets, terrifiés et désespérés, s’étaient empressés d’obéir.