Aller au contenu

Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oh ! s’écria le duc avec une immense douleur, c’est le dernier coup ! Mon Dieu ! vous êtes juste et bon que votre volonté soit faite !

Mais, après un instant, il reprit :

— Habillez-moi ; puisque je ne puis marcher, je suivrai le corps de ma fille dans une litière : je veux l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure !

Les amis et les parents du duc essayèrent de s’opposer à ce projet, dans l’intérêt même du noble vieillard.

Olivier échangea un regard avec le médecin.

— Obéissez à mon père et seigneur, dit-il aux valets éplorés : ses ordres sont des lois pour nous.

Le duc remercia son fils par un regard tout chargé de tendresse.

Ainsi que l’avait désiré le noble vieillard, perclus, accablé par un poignant désespoir, il conduisit, à demi étendu sur une litière, le convoi de sa fille bien-aimée, si lâchement assassinée ; son fils marchait à sa droite.

Tout Madrid semblait s’être donné rendez-vous pour assister aux obsèques de doña Santa de Sâlaberry.

Une foule immense et douloureusement émue formait la haie sur le passage du cortége, priant pour la fille et pleurant sur le père si cruellement frappé.

Le duc de Salaberry ne se releva plus.

Son fils, assis à son chevet, lui faisait fidèle compagnie, pleurant avec lui, et lui recommandant non le courage, mais la résignation.

Le duc demeurait de longues heures sans prononcer une parole, les regards perdus dans l’espace, sans souffrance physique apparente.