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Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/63

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sembla redevenir, mais véritablement cette fois, l’homme qu’il était avant son départ pour l’Europe ; on eût dit qu’en reprenant la mer, il avait du même coup secoué et oublié toutes les préoccupations tristes et sombres qui, depuis près de deux mois, pesaient sur son esprit.

La mer possède ce privilège étrange que, sur elle, les marins concentrent toute leur existence ; pour les véritables marins, la terre n’est, pour ainsi dire, qu’un accessoire obligé pour le ravitaillement de leur navire pas autre chose ; tout ce qui leur arrive de bien ou de mal pendant leurs relâches forcées ne les touche qu’indirectement et n’a plus pour eux qu’une importance secondaire, et qui devient complétement nulle dès qu’ils la quittent ; tous leurs espoirs de fortune, leurs projets d’ambition ou de bonheur reposent tout naturellement sur la mer, base unique de leur existence, et à laquelle, par conséquent, ils rapportent toutes leurs pensées.

La traversée d’Anvers à Cadix fut accomplie dans les plus excellentes conditions nautiques, et égayée par de longues et intimes causeries, dans lesquelles on passait en revue tous les incidents de la longue excursion faite à travers l’Italie, la Suisse et la Belgique, les sites pittoresques, les ruines imposantes, les monuments curieux que tour à tour on avait visités.

Puis venaient les comparaisons sur les mœurs, les coutumes, les usages singuliers des différents peuples, et les appréciations sur leur caractère et le génie particulier de chaque nation.

Le temps s’écoulait ainsi, sans que rien vint assombrir l’humeur de nos trois voyageurs, bien