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Page:Aimard - Rayon de soleil, 1866.djvu/66

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les drames du nouveau-monde

Son désespoir était d’autant plus violent qu’il ignorait entièrement quel avait pu être le sort de miss Prescott ; Oonomoo l’avait quitté presque aussitôt, et ne l’avait pas revu depuis son expédition chez les Shawnees.

Il était environ midi lorsque Canfield arriva sur les lieux, à peine reconnaissables pour lui. Laissant son cheval dans les fourrés, il se mit à parcourir ces ruines, tête baissée, sachant à peine ce qu’il faisait.

Ça et là, le jeune lieutenant rencontrait avec un affreux serrement de cœur les cadavres rigides des nègres massacrés : ce n’était plus pour lui un champ de bataille ordinaire comme il en avait souvent visité ; chaque tache de sang, chaque tête livide, chaque main crispée criait vengeance et réveillait au fond de son âme un douloureux écho.

Tressaillant jusqu’aux entrailles, il se demandait, en contemplant ces tristes trophées d’une fureur sauvage, quels tourments, quelles angoisses pires que la mort, les Indiens avaient peut-être fait subir à leur malheureuse captive.

Sa course errante le conduisit jusqu’en face d’un monticule bizarrement formé de troncs d’arbres,