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Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/118

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ABIGAÏL.

Les convives se remirent à table, et Harley se plaça près du maître de la maison, qui, tout en faisant circuler les verres, et en s’efforçant d’animer la conversation comme si rien ne se fût passé, trouva le moyen de chuchoter quelque peu avec son ami.

On vit bientôt sir Harley froncer le sourcil à quelque chose que lui dit Saint-John, et, comme ses yeux se portèrent à l’instant sur Masham, on comprit qu’il élait question de lui.

Un instant après, Sunderland et Kneller se levèrent, déclarant qu’ils avaient assez bu ; Guiscard demanda des cartes, et Saint-John ayant sonné, les portes battantes s’ouvrirent et montrèrent un magnifique salon resplendissant de lustres allumés, dans lequel plusieurs tables de jeu étaient régulièrement placées.

Tout le monde, à peu d’exceptions près, passa dans cette salle. Steele, Addisson, d’Urfey, Prior et Rowe, qui n’aimaient pas beaucoup le jeu, furent les seuls qui demeurèrent groupés autour d’un grand bol de punch qu’on venait d’apporter, et ils proclamèrent la liqueur brûlante bien préférable à tout ce qui avait été consommé d’abord. On fit circuler du café et des liqueurs, puis la plupart des convives se mirent à jouer à l’hombre.

Sir Harley, supposant Guiscard occupé, prit Masham à part, et lui dit à voix basse :

« Saint-John vient à l’instant de m’apprendre le duel ridicule que vous comptez avoir avec le marquis ; il ne peut avoir lieu.

— Mille pardons, monsieur Harley, fit Masham, mais je ne vois rien qui puisse l’empêcher.

— C’est moi qui mettrai obstacle, répondit Harley, sans nuire en rien à votre réputation, bien au contraire, tout l’honneur restera de votre côté, mais il faut que vous m’obéissiez aveuglément.

— Je regrette de ne pouvoir obéir à vos ordres, monsieur Harley, ajouta Masham.

— Mais, monsieur, je vous dis qu’il le faut ! s’écria celui-ci avec autorité, à moins que vous ne vouliez compromettre votre avenir sans retour. Il est urgent que vous veniez demain avec moi voir miss Abigaïl. Il le faut… !

— Il le faut, monsieur Harley !

— Oui, monsieur, oui, il le faut, s’écria Harley, et non-seu-