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Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/16

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ABIGAÏL.

pape, le prétendant et le diable, furent promenés en effigie par les rues, et brülés ensuite sans merci.

La température, remarquablement belle pour la saison, favorisa ces réjouissances ; le ciel était sans nuages, le soleil brillait, et l’atmosphère flattait l’odorat de tous les parfums du printemps. Une excellente musique militaire retentissait dans les cours du palais ; on entendait les trépignements des chevaux et le cliquetis des armures des gardes qui venaient se poster dans Saint-James street, où stationnait déjà une foule compacte.

Une heure environ avant midi, les bonnes gens qui avaient eu la patience de se grouper en masses compactes dès le matin durent croire qu’ils allaient être récompensés de leur constance : les curieux commencèrent à circuler, d’abord insensiblement et bientôt avec plus de facilité. Les cochers de cette époque ignoraient la ressource du fouet, si universellement employé de nos jours ; peut-être aussi les somptueuses et commodes voitures du temps étaient-elles plus difficiles à diriger, Enfin, quel qu’en fût le motif, il est certain qu’il s’éleva de violentes querelles entre divers automédons qui ne se génèrent point pour donner un libre cours à un torrent de vociférations et de blasphèmes.

La voie publique destinée aux piétons était envahie par des gens qui portaient des chaises, culbutaient les passants, sans trop se soucler d’écraser les pieds ou d’enfoncer les côtes de ceux qui ne leur faisaient pas place à l’instant même. Il résultait nécessairement beaucoup d’agitation de tout cela ; mais la foule, tout en étant pressée et bousculée, ne s’en montrait pas moins très-gaie et de fort bonne humeur.

Peu à peu la multitude s’était agglomérée, et les équipages de toutes sortes se dirigèrent vers le palais sur quatre files, Les rideaux de presque toutes les chaises à porteurs étaient baissés, et l’attention des spectateurs se portait uniquement sur les voitures où l’on voyait de radieuses beautés couvertes de pierreries et de dentelles, de jeunes élégants admirablement ajustée, de graves magistrats et de rêvérends ecclésiastiques dans leurs costumes, des officiers supérieurs de l’armée et de la marine en grand uniforme, des ambassadeurs étrangers, enfin tous les différents personnages qui forment la cour d’une grande reine. Les équipages, pour la plupart,