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Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/213

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ABIGAÏL.

La câmériste sortit, et revint bientôt après avec un énorme pot qui pouvait bien contenir trois pintes.

« À votre prompt retour, sergent ! dit Proddy en appuyant ses lèvres à l’orifice du pot, tandis qu’en levant dévotement les yeux au ciel il avalait une gorgée d’ale. Rien n’est meilleur qu’un verre d’ale pour consoler un homme, ajouta-t-il ; c’est un baume pour l’âme blessée. Mais qu’allons-nous devenir sans notre ami, mesdames ?

— Ah oui ! qu’allons-nous devenir ? dirent-elles toutes deux.

— Les meilleurs amis se quittent quelquelois, mes très chères, et nous n’en serons que plus heureux lorsque nous nous retrouverons. Les absents sont mieux appréciés que ceux qui restent auprès de nous.

— Je vous assure, sergent, dit mistress Plumplon, que vous n’aviez pas besoin de nous quitter pour être apprécié par tous ceux qui vous connaissent.

— Maudite soit cette Plumpton ! s’écria mistress Tipping avec colère ; elle vous ôte toujours de la bouche les paroles qu’on allait prononcer.

— Pourquoi ne pas vous dépêcher de parler, alors ? riposta l’autre.

— Oh ! sergent ! je voudrais pouvoir partir sous vos ordres, fit Proddy. Depuis que je me suis lié avec vous, j’ai une terrible envie d’entrer au service, et ce désir me reprend maintenant plus fort que jamais.

— Vous seriez bientôt dégoûté de la vie des camps, répliqua Scales ; cela ne m’est point arrivé, à moi, il est vrai : mais, pour qu’un bomme supporte les privations, il faut qu’il ait été accoutumé à cela de bonne heure. Il arrive rarement qu’on ait à son servicè un pot de bière et une pipe de tabac pour se réconforter après une journée de fatigue, et on trouve plus difficilement encore un lit pour s’y étendre. À vrai dire, je ne crois pas, Proddy, que la vie de soldat vous convint. Vous êtes mieux dans la position où la Providence vous a placé.

— Marcher ne serait pas de mon goût, répliqua le cocher, parce queje suis gros et que j’ai la respiration courte ; mais j’aimerais à me trouver en garnison dans quelque vieille ville flamande. Quant à me battre, je m’en arrangerais fort ; mais une des raisons pour lesquelles j’aimerais à être soldat, c’est