Aller au contenu

Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
ABIGAÏL.

infliger, répliqua Anne. Abigaïl, continua-t-elle en affectant un air sévère, je vous ai envoyé chercher pour vous annoncer, qu’après la fourberie dont vous vous êtes rendue coupable ainsi que M. Masham, il est impossible que je vous garde à mon service. Ainsi donc, à dater d’aujourd’hui, vous ne faites plus partie de ma maison.

— Madame ! s’écria Harley.

— Silence, monsieur ! dit la reine avec hauteur ; pas un mot ! Abigaïl, vous n’êtes plus attachée à ma personne, vous dis-je ; vous avez perdu à jamais mes bonnes grâces. J’ai voulu que M. Masham fût présent à votre disgrâce, parce que en étant la principale cause, il sentira mieux l’énormité de sa désobéissance.

— Il y a quelque chose là-dessous ! pensa Harley ; voyons ce que cela deviendra, afin d’intervenir quand il en sera temps.

— J’applaudis à la décision de Votre Majesté, s’écria la duchesse, incapable de cacher sa joie ; la sentence est juste ; nous verrons maintenant si la disgraciée aura autant de charmes aux yeux de son adorateur qu’en avait la favorite de la reine.

— Bon ! dit la reine au prince à demi-voix, voici la duchesse qui attaque précisément la question qui nous intéresse. »

La duchesse surprit le regard, et, s’apercevant à l’instant de son erreur, elle saisit le bras de Masham qui allait parler, et lui dit tout bas et à la hâte :

« Suivez mes avis, ou vous êtes perdu sans retour. Quels que soient vos sentiments pour Abigaïl, ne lui témoignez maintenant aucun intérêt.

— Que dit monsieur Masham ? s’écria la reine ; suivra-t-il la fortune de la favorite disgraciée ?

— Madame, je… fit Masham en hésitant.

— Malédiction ! ne pouvez-vous parler ? fit le prince.

— N’écoutez pas la duchesse, ou bien, vous et Abigaïl, vous êles perdus sans remède, lui dit tout bas Harley ; parlez hardiment. »

Masham ainsi encouragé se jeta aux pieds de la reine.

« Ne condamnez pas Abigaïl pour les fautes qui me sont personnelles, je vous en conjure, s’écria-t-il ; que votre colère retombe sur ma tête aussi cévèrement qu’il vous plaira, et non sur la sienne… elle n’est pas coupable ; Dieu m’est témoin