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Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/38

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ABIGAÏL.

— Oh ! ce n’est pas pour elle, dit la duchesse ; c’est pour voir la reine qu’il doit venir là, j’en suis certaine. Mais je les surprendrai, et, comme j’ai la clef de l’escalier dérobé, je puis facilement assister à la conférence.

— Je vous conseille de réfléchir, fit Marlhorough ; la reine pourrait bien s’indigner d’être ainsi espionnée.

— J’ai déjà fait observerà Votre Grâce qu’elle ne connaissait pas la reine. Anne a bien plus peur de moi que je n’ai peur d’elle, et en cela elle a raison ; car, si Sa Majesté n’était pas honteuse de ses rapports avec Harley, elle ne le recevrait pas clandestinement. La découverte que je ferai de ces entrevues y mettra un terme.

— Je l’espère, répliqua le duc. Mais tant qu’Abigaïl sera en faveur, il y aura toujours du danger ; ne pourrions-nous pas lui trouver un mari ?

— C’est là une bonne idée ! » s’écria la duchesse.

À cet instant, un valet parut sur le seuil de la porte et annonça le comte de Sunderland.

« Je suis charmé de vous voir, mon gendre, dit le duc en tendant la main au gentilhomme. Nous parlions de marier notre cousine Abigaïl Hill.

— Quoi ! serait-ce avec le marquis de Guiscard, qui a essayé de l’enlever ce matinà la face de l’univers ? s’écria Sunderland ; il n’en a été empèché que par l’intervention du jeune Masham, l’écuyer du prince.

— Que dites-vous donc ? Et comment cela s’est-il passé ? » demanda la duchesse.

Le comte raconta les détails de l’événement.

« Guiscard est un homme dangereux, ajouta le duc ; lorsqu’il ne peut parvenir à se débarrasser d’un rival, il n’hésite pas à recourir aux moyens violents. Il a laissé un triste renom à la Haye. Et cependant il est brave, et fort utile en certains cas ; je parie qu’il ne fait la cour à Abigaïl que parce qu’il a deviné l’amitié que lui montre la reine ; sans cela notre jeune parente n’aurait aucun prestige pour un aventurier tel que lui.

— Lord Ross, qui a conté la chose à lady Sunderland, reprit le comte, et qui la tenait de lady Rivers, assure qu’Abigaïl a la tête tournée pour Masham.

— Ah vraiment ! dit la duchesse. On pourra tirer parti de cet on dit. Connaissez-vous M. Masham, milord ?