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Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/380

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ABIGAÏL.

— Ce ne sera pas ma faute, Bolingbroke, continua Oxford avec aigreur, si Sa Majesté et la nation entière ne vous voient pas sous votre véritable aspect ; et certes le fond de votre âme n’est pas beau. J’en dirai autant de la vôtre, madame, ajouta-t-il en s’adressant à lady Masbam, j’apprendrai à tout le monde quels artifices vous avez employés pour vous maintenir à la cour.

— Si je me suis servie d’artifices, milord Oxford, c’est de ceux que vous m’avez enseignés, répondit lady Masham. Vous oubliez peut-être les instructions que j’ai reçues de vous au sujet de la duchesse de Marlborough.

— Non, madame, je ne les oublie pas, s’écria Oxford, incapable de maîtriser sa rage ; je me rappelle aussi qu’à cette époque vous étiez femme de chambre, et qu’alors je me suis servi de vous comme d’un instrument, rien de plus, pour obtenir la faveur de la reine ; je n’oublie pas que c’est moi qui vous ai fait ce que vous êtes, et je n’aurai ni repos ni trêve que quand je vous aurai replacée aussi bas que je vous ai prise.

— Milord ! milord ! s’écria Anne, voici des procédés indignes d’un gentilhomme ; je vous prie de vous retirer gi vous ne pouvez être maître de vous.

— Je supplie Votre Majesté de me pardonner si j’ose lui désobéir, répliqua Oxford. Vous m’avez envoyé chercher, madame ; je prendrai la liberté de rester jusqu’à ce que j’aie démasqué les perfides créatures qui vous entourent ; certes je ne saurais perdre une aussi bonne occasion, qui peut-être ne se représenterait plus.

— Mais je ne veux rien entendre, milord, observa Anne.

— Je supplie Votre Majesté de laisser parler monsieur, ajouta Bolingbroke avec hauteur.

— Prenez garde à votre tête, Bolingbroke, s’écria Oxford. Sa Majesté peut tolérer votre correspondance avec la cour de Saint-Germain ; mais le parlement sera moins indulgent.

— Votre Majesté peut à cette heure se faire une juste idée de la bassesse et de la malice de mon accusateur, dit Bolingbroke avec un froid mépris, car elle sait d’une manière certaine de quelle manière il a trompé son royal frère.

— Je le sais, je le sais, répondit Anne ; je n’ignore pas qu’il