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Page:Alain - Éléments de philosophie, 1941.djvu/234

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Mais il se joint à cette raison, qui explique déjà assez les récréations des oisifs, un jugement bien trompeur, sous l’idée fataliste, c’est que nos habitudes sont nos maîtresses, et que, dès qu’elles nous tirent et nous appellent par de petits mouvements, nous ne pouvons absolument pas leur résister. Un homme d’âge, et contraint par sa santé de prendre un nouvel emploi, loin de son métier, de ses amis, de ses plaisirs, disait : « On se passe de beaucoup de choses. » Et tous ceux qui ont fait la guerre peuvent dire qu’il est aussi vite fait de changer d’existence que de changer d’habit. Mais d’avance on ne le croit point. La guérison des habitudes funestes consiste à faire voir, par l’expérience, que l’habitude tire toute sa force de ce faux jugement. Mais la guérison ne dure aussi qu’autant que dure le traitement ; une seule expérience contraire rétablit l’esprit dans son erreur. Ceux qui ont souffert des passions se reconnaîtront ici. Qu’ils essaient de comprendre, mais par réflexion, pourquoi la guérison fut si aisée, et la rechute si prompte. Mais comprenez bien, c’est de première importance, qu’il suffit de se croire esclave pour l’être en effet. Rien n’éclaire mieux le libre arbitre.

CHAPITRE VI

DU DÉTERMINISME

On peut prédire ce qui arrivera dans un système clos, ou à peu près clos, par exemple dans un calorimètre, dans un circuit électrique, dans le système solaire, si l’on