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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/17

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INTRODUCTION

mieux une injustice qu’un désordre » qu’il explique ainsi : « toute désobéissance pour la justice fait durer les abus. » De même Alain juge impossible dans toute action difficile et surtout à la guerre, de se passer d’un chef, et de remettre aux mains du chef moins qu’un pouvoir absolu : « Une action ne peut réussir que par l’accord des exécutants ; et quand ils auraient la meilleure volonté du monde, ils ne s’accorderont pourtant que par la prompte exécution des ordres, sans qu’aucun des subordonnés s’amuse à juger ou à discuter. Qu’est-ce à dire, sinon que devant le refus ou seulement l’hésitation, le chef doit forcer l’obéissance, ce qui conduit aussitôt à la dernière menace, et l’instant d’après à l’exécution, sans quoi la menace serait ridicule. J’admire que les gens qui reçoivent aisément la guerre parmi les choses possibles, invoquent pourtant ici l’humanité et la justice, comme si l’on avait le loisir d’être humain et juste quand l’ennemi vous presse. »

Et Alain même sait accorder aux grands chefs autre chose qu’une soumission résignée : jamais les princes véritables n’ont été mieux compris ni mieux loués. De ses Propos, de ses conversations, on pourrait tirer facilement l’une des plus hautes et des plus nettes images de Napoléon qu’écrivain ait jamais formées. Et Le Mémorial de Sainte-Hélène, ce livre du chef, est l’un de ses livres de chevet. Partout ailleurs, même parmi les vivants, il sait reconnaître et admirer l’esprit ingénieux, l’activité qui pousse toute la force et la sagacité d’un homme aux entreprises, toute initiative, même risquée, et tout esprit d’ordre, même étroit.

Mais il fait, tout en admirant, une discussion

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