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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/194

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

veulent ; ils peuvent répartir les produits selon le travail et même selon les besoins ; s’ils le veulent, alors tout ira bien ; mais s’ils sont forcés, alors tout ira mal. Là-dessus le droit commun est spectateur en quelque sorte, comme on voit par les maximes : « Le contrat est la loi des parties », et « Nul n’est tenu de rester dans l’indivision ». L’arbitre ne fait ici autre chose que devancer l’expérience ; car une association qui n’est pas aimée des associés est en voie de périr. L’État ne peut nullement s’opposer à la coopération, ni à l’assistance mutuelle, ni à l’assurance mutuelle ; mais il ne peut pas non plus les imposer.

Ce qui trompe, ici, c’est que l’État est lui-même un communisme pour certaines fins, comme la sûreté, et un collectivisme pour d’autres fins, comme les postes ou les chemins de fer et canaux. Assurément j’ai ma part de coopérateur dans les écluses et dans les fils télégraphiques ; et je ne puis la retirer ; j’ai ma part aussi dans les canons et mitrailleuses, et je ne puis la retirer. Mais aussi l’on a dit et redit que ce groupement forcé ne rend point ce qu’il pourrait, comme le travail militaire le fait voir, qui est fait sans amour, on peut le dire, en sorte qu’il faut au moins quatre hommes pour faire la journée d’un, sans compter les surveillants. Il est vrai qu’en revanche tout est commun, la nourriture, le vêtement, et l’hôpital. On pourrait dire que, dans ce communisme forcé, les produits sont passablement distribués ; seulement il y a très peu de produits à distribuer. C’est la raison pour laquelle on n’a pu mobiliser tous les citoyens sous le régime militaire. Il se peut que les Soviets aient tenté cette expérience et qu’une misère générale en ait été le premier effet. Peut-être

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