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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/22

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INTRODUCTION

que les gloires hautaines et sèches d’un Bossuet et d’un Louvois.

Pousser l’individu par une contrainte extérieure à n’être qu’un instrument pour une fin supérieure, le réduire à n’être qu’une partie dans un tout, n’est pas seulement arbitraire, mais encore inutile. C’est

cet individualisme qu’Alain, usant seul à sa façon d’un mot que tant de passions et d’événements ont déformé, appelle son radicalisme. Mais cette attitude ne dépend pas des partis. J’ai entendu des soldats de métier, qui l’aiment, parler de lui comme d’un troupier qui veut garder son quant à soi ; j’ai entendu aussi des révolutionnaires le regarder comme un anarchiste soumis aux lois. Mais si j’avais à chercher pour Alain un répondant ou une autorité, je désignerais non un homme politique, mais Benoît Spinoza, qui a éclairé tous ces rapports du citoyen et des pouvoirs de son éloquence serrée : « La fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la liberté. Nous avons vu aussi que pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à un seul… C’est au droit d’agir par son propre décret que chacun a renoncé, non au droit de raisonner et de juger… Nous voyons donc suivant quelle règle chacun, sans danger pour le

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