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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/229

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LES CIVILISATIONS

Égypte est couverte de débris imposants. C’est là et dans l’Orient méridional, aujourd’hui engourdi par la chaleur, qu’est le berceau de nos religions, de nos sciences et de notre morale. Carthage n’est qu’un souvenir. Rome n’est plus dans Rome ; la pensée et les arts ont été remplacés en Grèce par l’insouciance et les passions de l’été. Athènes se trouve maintenant à Paris, comme les Parisiens aiment à dire. Rome est à Londres, ou peut-être à Berlin. Les Scandinaves font voir une belle sagesse ; la Russie s’éveille. Les grands continents sont toujours en retard sur les presqu’îles, comme on sait, puisque la mer est un régulateur des climats. Dans quelques siècles, la Sibérie sera à son tour centre de pensée, d’invention et de puissance. Puis, quand les grands hivers reviendront, la civilisation redescendra vers l’Égypte et l’Inde, toujours marchant des continents aux presqu’îles, comme en notre histoire elle a remonté et remonte des presqu’îles aux continents en même temps que du Sud au Nord. Le détail serait beau à suivre ; par exemple l’Espagne, plus compacte que l’Italie, en retard sur elle pour la grandeur et la décadence.


L’Orient nous parle. Nous ne le comprenons guère,L’ORIENT DORT
SELON LES RITES.

L’Orient nous parle. Nous ne le comprenons guère, ni lui nous. Il faut penser à ce qu’il y eut de scandaleux dans la révolution Socratique. Tout homme réglait alors ses actions et ses pensées d’après quelque loi qu’il n’avait point faite, divine ou humaine. Chacun se conformait. Socrate fut le premier et le plus obstiné des hérétiques. Non qu’il

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