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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/42

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

toujours assez vives. Il faut montrer à l’électeur que le rôle d’un gouvernement selon l’esprit radical, c’est justement d’annuler la puissance des provocateurs et de calmer les passions. L’affaire du Maroc, si dangereuse pour la paix, et réglée pourtant selon la paix, montre bien clairement ce que l’on peut espérer des radicaux, et ce que l’on doit craindre des autres.

30 novembre 1913.

Peut-être, dans l’avenir, au lieu de ces faibles déclamationsDEVOIR DE
L’HOMME D’ÉTAT.

Peut-être, dans l’avenir, au lieu de ces faibles déclamations qui sont présentement la raison des peuples, on entendra dans quelque Chambre délibérante un discours de premier ministre dans le genre de celui-ci :

« Messieurs, dira l’homme d’État, je ressens votre enthousiasme et votre indignation ; il y a plus de huit jours que ce flot de passions vient m’assaillir ; le peuple attend, désire, exige l’ordre de mobilisation. Notre bon droit apparaît à tous ; bien plus, des provocations insensées blessent l’honneur national lui-même. À des mouvements impérieux de ce genre, qui résisterait, s’il se considère seulement comme le mandataire du peuple ? J’ai pourtant résolu d’attendre encore, de temporiser encore. Vous ne me chasserez pas sans m’avoir entendu. »

Ici se placeraient de violentes interruptions comme on peut croire ; il est si agréable de se rendre fou pour une bonne cause, et d’élever les passions au-dessus de la raison. Mais l’homme d’État tiendrait bon, même contre sa propre colère.

« J’entends, dirait-il, que l’on m’accuse de man-

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