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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/19

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ment ; plus simplement en fermant mes oreilles avec mes doigts je fais un silence qui n’est pas vrai, mais qui pourtant est vrai. Il n’y a rien dans ces cas-là d’imaginaire. Et, comme je l’ai éprouvé en poursuivant l’étude des arts, l’imagination recule toujours et se dérobe. Il n’est pas vrai que la lune semble plus grosse à l’horizon qu’au zénith. Appliquez votre mesure ici comme vous avez fait au bâton brisé, vous trouverez quelque chose de neuf, quoique bien connu, et de trop peu considéré, c’est que l’apparence de la lune est la même dans les deux cas ; vous croyez la voir plus grosse, vous ne la voyez pas plus grosse. Cet exemple, bien des fois considéré, me donna de grandes vues sur nos erreurs les plus étonnantes. Il me semblait que je tenais ici à la lettre mon Spinoza ; car cette erreur cette fois-ci n’est rien. Mais aussi il fallait donner congé à la physique, qui peut seulement me dire : “Ton erreur n’est pas où tu crois.”