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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/191

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sont qu’un rite ; et le dieu y est extérieur. Au niveau où je veux me tenir maintenant, le dieu est intérieur ; et, si l’on regarde bien, c’est déjà l’esprit.

La fécondité est un excès ; le printemps est un excès. Ce moment ne va jamais sans ivresse, et le propre de l’ivresse est de s’enivrer par soi, c’est-à-dire de mouvement et d’audace, et d’excès sur excès. Le vin est un moyen d’éveiller ces forces dormantes ; et il y a du généreux dans le buveur. Un vin est dit généreux ; mais l’esprit n’aime pas recevoir sans donner. Aussi le plaisir de boire est-il peu de chose auprès du pur plaisir d’avoir encore plus de plaisir, je dirais presque de vaincre encore plus de plaisir. Dans l’ancien langage des corporations, le plus hardi buveur était nommé Sublime ; ces manières de parler sont des lueurs. Ici encore un rite. Ici encore Bacchus. Mais dessiner Bacchus, c’est déjà l’éloigner de soi. On ne nomme point le dieu des grands mystères, on ne peut.