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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/298

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victoire, mais plutôt l’infatigable moteur de l’escompte et du ravitaillement. C’est l’esprit pressé. C’est le dieu qui pense à tout. La mythologie a pensé aussi à celui-là.

Vous l’avez tous connu. C’est lui dont le léger manteau noir voltige le long du cortège ; c’est lui qui habille de deuil l’héritier, pour un jour. C’est lui qui de sa baguette noire emmène les ombres ; c’est lui qui les apaise. Oui, le même dieu qui courra demain aux marchés, le même qui sonnera l’heure de la Bourse ; le dieu de la clôture et du dernier cours ; le dieu qui affiche sous son nom les justes prix qui ne sont jamais justes. Tel est l’esprit ambigu qui fait réussir de ses ruses une justice que Jupiter contresigne à la fin. “Les hommes, dit le dieu des dieux, nous accusent de leurs malheurs, alors qu’ils sont malheureux par leur propre sottise ; je leur envoie pourtant Mercure, qui les avertit, mais bien vainement.” Ces belles