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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/90

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LETTRES D’ALAIN

jugement passe tout entier dans le geste infaillible par la vertu duquel la forme invisible est comme délivrée. Toute sculpture, comme tout dessin, rend visible l’invisible. De même le jugement veut de la grâce, et un cœur riche de soi. Enfin si nos idées abstraites requièrent déjà la grâce et l’amour ensemble, que dire de ces idées singulières qui sont votre tragique objet ? Car vous tirez l’objet de ses limbes, par ce contour fermé d’abord et repris, tracé d’action qui donne l’être ; mais en toute œuvre il faut d’abord finir. Et je retrouve ce même rapport dans ces beaux dessins qui, mieux encore que vos poètes, vous détournent de cette vaine peur, mais si naturelle, que l’on sent en mesurant le fossé après qu’on l’a franchi. Car la ligne n’est point de la chose, mais de l’homme, et de bonheur par cette grâce au fond, de courage aussi, par cette nudité, en