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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/14

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PHILOSOPHIE DE KANT

d’abord, avant de savoir si ces choses font une pensée vraie. D’où l’on conclura que la pensée de l’homme est imparfaite, ou même, si l’on veut, que tout homme est menteur, car toute réaction au choc est un geste, et ce geste est nécessairement menteur. Ce qui nous donne aussitôt une première esquisse de l’homme sincère. L’homme sincère est un homme qui retient le premier geste. En ce sens, l’homme qui fait voir à son ami par un geste qu’il le trouve bien changé ne doit pas être dit sincère, mais menteur au contraire. Et celui qui retient ici le geste est sincère. Vous voyez que nous sommes loin des jugements vulgaires, et vous pouvez comprendre, par une anticipation hardie, que la morale est a priori. Je crois que la réflexion ainsi conduite est capable d’orienter un esprit dans la philosophie, qui n’est alors autre chose qu’une pensée a priori ; on dira la même chose en disant que la philosophie nous fait connaître l’Esprit. Pour adoucir l’étonnement du disciple, je lui rappelle que Descartes, recherchant ce qu’il doit penser de la matière, n’a voulu en juger que selon