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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/66

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PHILOSOPHIE DE KANT

semblables, en qui je reconnais le même esprit. Au reste, la moralité consiste justement à juger l’existence, comme nous l’avons fait dans les lettres précédentes, et à juger qu’elle est de peu, et qu’elle ne doit pas commander. L’immoralité n’est autre chose que la soumission à l’existence, aux circonstances, aux choses de peu dont dépend notre durée et ce que le vulgaire appelle notre destin. Le destin, pour un esprit qui se sait esprit, est tout autre. C’est d’interroger, comme on dit, la volonté de Dieu, qui n’est autre que notre propre être. Faire ce qu’on veut est le bien, pourvu qu’on sache vouloir. Et toute vertu consiste dans cette tension, dans cette résistance aux petits tyrans, comme disaient les Stoïciens, justement célèbres pour avoir été longtemps les conservateurs de la moralité. Kant, ici encore, ne fait que retrouver l’idée commune de la personne humaine, volonté profondément cachée souvent à elle-même, et infaillible législatrice des mœurs. La loi morale est la loi dictée par une profonde volonté de la personne ; elle n’a point d’égard aux choses, mais seulement