Aller au contenu

Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES IDOLÂTRES

objet est la faute des faibles révolutionnaires, qui voudraient que le progrès humain existe en soi et par soi, comme un objet et comme une chose. En cela consiste l’idolâtrie. Et, au contraire, par respect de sa propre raison, chacun doit juger que le progrès ne se fait pas seul et exige toute l’action de l’homme. Il ne s’agit donc pas de compter sur l’action de Dieu, comme on pourrait faire si le progrès était une chose dans le monde. C’est manquer de foi, et manquer gravement au devoir, qui est premièrement de croire, c’est-à-dire de n’être pas sûr. Tel est l’élan d’un cœur républicain et d’un vrai révolutionnaire. Il faut n’espérer qu’en l’esprit et, comme esprit, nous n’avons absolument que nous ; tout repose donc sur nous. La paix repose sur moi ; si je manque au devoir envers l’esprit, la paix est perdue. On reconnaît ici le même fanatisme qui est en Kant partout, et qui ne permet nullement de s’en rapporter aux pouvoirs, qui ne sont jamais qu’un état de fait. Ce serait alors un quiétisme, qui s’en rapporterait à la bonté du monde ; mais peut-on se fier à la matière ? Tel est donc le dernier