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Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/166

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par volonté. Bref, avant de savoir si la guerre sera par l’opinion commune, il faut que je sache si la guerre sera par mon opinion. À ce moment-là je n’ai devant moi aucun fait humain déterminant, si ce n’est ma propre pensée avec ses affections. Je suis souverain. Il s’agit non pas de ce que je suppose qui sera, mais de ce que je veux qui soit. Problème uniquement moral ; je n’y puis échapper. Si la guerre est bonne, si c’est seulement la défaite qui est mauvaise, si j’ai pris le parti d’user de tous moyens en vue du succès, alors oui le problème de la guerre sera un problème de fait. « Vaincrons-nous ? Sommes-nous prêts ? » Mais si j’ai pris comme règle de vie le travail et la coopération, si la violence est pour moi un moyen vil d’acquérir, si je tiens enfin pour la justice de toutes mes forces, alors je dis non à la guerre, au dedans d’abord, et au dehors, autour de moi, comme c’est mon droit et mon devoir de dire, prononçant, non sur ce qui est, mais sur ce qui doit être, non sur ce que je constate, mais sur ce que je veux. Juger, et non pas subir, c’est le moment du Souverain.