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Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/44

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Et c’est le plus grand désordre, lorsque la pensée fabrique des raisons pour la colère, et la justifie. Quand toutes ces forces, d’esprit et de corps, sont debout et déjà en marche, quelle franchise de soi à soi faudrait-il pour remonter à la première cause, à la futile première cause, et renvoyer honteusement ces brillantes raisons et ces fortes esquisses d’actions, tout enflammées et amoureuses d’elles-mêmes ? Quelle honte si l’on revenait au repos, après tant de promesses et de serments à soi, avant d’avoir versé un peu de ce sang qui bouillonne. Tant de bruit, et pour rien ? Qui ne rougirait, et c’est encore un effet du sang pressé et surabondant, qui ne rougirait de cette violence sans effets ? Mais n’ai-je pas bien décrit à la fois deux choses, la colère dans l’individu et la mobilisation dans la cité ? Colère toujours, et qui emporte, et qui va parce qu’elle va. Ne cherchez point ailleurs. Mars est poitrine et non ventre.