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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/118

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

bilité. Les moyens mécaniques, j’entends physiologiques, sont ici les meilleurs. Et en imposant de simples gestes de politesse, on gagne beaucoup. Petit ou grand chef, vous devez tenir d’abord à cet effet de surprise qu’obtenait Napoléon lorsqu’il paraissait aux revues dans la cour du Carrousel. Louis XIV était maître dans l’art de changer les hommes en statues. S’il en a abusé ou seulement usé, c’est une autre question.

Saint-Simon nous a conservé quelques attitudes du Grand Roi. Nous savons qu’il ne montrait jamais aucun signe de timidité ni d’embarras, même quand il imposait à ses proches quelque mariage de bâtardise. Évidemment une condition de prestige est d’avoir pris sa résolution et de ne s’étonner de rien. On remarquera que ces règles sont de politesse. L’homme impoli est l’homme qui hésite et ne sait ce qu’il doit faire, ce qui aussitôt embarrasse la compagnie. L’homme impoli est aussi celui qui n’est pas maître des signes, et qui, en présence d’un homme très corpulent, fait voir qu’il s’étonne de le trouver si gros ; ou bien encore l’homme qui ne peut cacher qu’il vous trouve amaigri ou vieilli. On peut voir un ridicule ; on ne doit point marquer qu’on le voit. Et, par les mêmes causes, si un niais s’étonne, l’homme poli ne doit point marquer qu’il s’étonne de cet étonnement. Ne rien exprimer malgré soi est la première règle, et qui peut-être suffit. J’ai observé qu’un homme parfaitement poli, même nul, a toujours un certain prestige.

Ces règles, qui sont en vérité de gymnastique,

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