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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/190

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LIV

L’AUTORITÉ DE L’IRRÉVOCABLE

Je me souviens d’un commandant de batterie qui reçut l’ordre de changer de position ; il avait trois heures pour exécuter ; c’était court, mais il fit des objections au lieu de commencer. J’écoutais ces choses au téléphone, et j’en fus surpris.« Est-ce obéir ? » me disais-je. Dans le fait, les objections ne touchaient qu’un intermédiaire qui ne pouvait rien. Le changement fut fait. Combien mieux fait, plus aisément fait, si la pensée de l’exécutant s’y était attelée tout de suite !

Solon donna des lois et s’en alla. Ce sage savait qu’il y a objection à tout ; j’entends objection raisonnable. Il faut d’une manière ou d’une autre fermer cette porte, de façon que, l’espoir de faire changer l’ordre étant enlevé, tout l’espoir possible s’emploie à exécuter. Tant que le cheval a espoir de jeter son cavalier à terre, c’est à cela qu’il emploie ses forces ; aussi les dresseurs disent qu’il ne faut jamais céder au cheval. Si l’on est contraint de céder, alors l’autorité périt. La méthode de ne point changer un ordre est assez justifiée devant la force brute, qu’il s’agit d’employer toute, ou de lancer toute dans une direction déterminée. Or, à l’égard d’une force intel-

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