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CONTRE LES NOUVEAUTÉS

des singes et que l’on met ses idées sens devant derrière. Bien sûr que si on met par terre le vieux galetas de Platon et de Descartes, la révolution est faite et le mur d’argent en morceaux aussi. N’importe qui comprendra qu’avec la radio l’ancien esclavage ne peut pas vivre. Et je ne suis pas sûr qu’on n’enseigne pas, ici et là, en très bonne intention, que l’électricité, partout conduite, doit dissiper les miasmes politiques. Or, c’est le contraire qui est vrai. Ceux qui sont enragés de nouveau veulent nous river à la chaîne politique, et fabriquer les révolutions industriellement, par la force des acclamations et de l’huile de ricin. Or, qu’est-ce qui fait que nous, les ânes rouges, nous, les ingouvernables, nous secouons les oreilles ? C’est parce que nous restons attachés aux idées d’Ésope et de Socrate, idées qui sont plus vieilles que les rues. Tout le machinisme a beau tourner avec cuivres et fanfares, comme les manèges de Neuilly, nous n’avons pas voulu renoncer à notre centre d’esprit. Nous ne voulons point croire que l’éblouissante et bruyante vitesse ait changé si peu que ce soit le conflit des maîtres et des esclaves. Nous cherchons l’égalité non pas dans les années-lumières et les manèges d’atomes où le bon sens se noie, mais dans l’antique arithmétique et dans la vieille géométrie, et dans la mécanique d’Archimède et de Galilée, devant qui tous les hommes sont égaux. Socrate faisait répondre un petit esclave sur le côté du carré et sur la diagonale, et cette manière a fait révolution ; très lente révolution, mais qui n’a point cessé de gagner sur les privilèges et de faire peur aux

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