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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/231

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LE FAIT ET LE DROIT

de plus faible. Ce qui est nouveau, c’est que les hommes essaient présentement de transférer la notion de droit dans une société des nations. Ici encore il faudra un tribunal arbitral et une opinion publique. Le tribunal seul est capable de transformer le fait en droit ; il réalise cette transformation par un jugement public, et il n’y a point d’autre moyen. Mais aussi ce moyen étant mis en œuvre, il ne manque plus rien au droit. Le droit est dit, le droit est reconnu. Si le fait ne s’y conforme pas, le fait n’a aucun pouvoir de droit. C’est encore le tribunal arbitral qui jugera si un fait de cinquante ou cent ans d’âge sera transformé en droit et proclamé tel. Le bon sens a ici une maxime, qui dit que nul n’est juge en sa propre cause.

Beaucoup estiment que le tribunal arbitral doit être en outre muni de pouvoir d’exécution, et, comme on dit, de gendarmes. Mais un tel pouvoir n’est point dans la notion de droit. Quand un tribunal arbitral, soit le juge civil, avec tous les recours, a prononcé, le droit est dit et reconnu. Il n’y manque rien. Il se peut qu’on ne puisse point transformer le droit en fait, par exemple si le débiteur est mort sans laisser un sou. Mais le tribunal n’en a pas moins dit le droit. Et la chose due ou volée, si jamais on la retrouve, on saura à qui elle appartient en droit même si ce légitime propriétaire, étant mort lui aussi, ne peut être mis en possession. Au reste il suffit qu’un voleur coure pour garder en sa possession la chose volée ; elle n’en est pas moins dite volée ; et on peut avertir par mille moyens ceux qui seraient tentés de l’ache-

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