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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/97

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XXVII

L’ÉGALITÉ PAR LES PENSÉES

Tolstoï est maître de force, non de faiblesse, et fut tel jusqu’à la fin. Nous sommes loin d’avoir développé tout ce riche héritage. Nous l’enfermons en des résumés. N’oublions pas que l’idée antagoniste, qui est l’idée politique, n’a cessé de se développer juridiquement, entourant comme une mer toutes les découpures de nos promontoires. Ordre, hiérarchie, sûreté, épargne, coopération, solidarité, initiative, obéissance, droit et devoir, tout cela foisonne en arguments, conflits, solutions. Quoi de plus raisonnable qu’un juge, un chef de bureau, un colonel ? Tout est réfléchi, tout est pensé, en cette morale civique. L’évidence et la force y éclatent partout. Contre cet allègre gouvernement qui respire à table, à la promenade, au prêche, au sermon, nous pouvons bien dire, refermant Tolstoï, que la loi de charité suffit à tout. Mais, où la pensée manque, rien ne suffit. Il faut rouvrir Tolstoï, au contraire, et débattre, et poursuivre, et assouplir, et adapter. Notre tsar à nous est un administrateur nourri de droit romain : et notre moujick raisonne aussi serré qu’un avocat.

Il s’agit de préparer, d’après l’impulsion de Tolstoï, le nouveau vol de l’idée chrétienne, qui sans nul doute suffit. Je lisais hier que Hegel rassemble ces

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