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Page:Alain - Propos, tome 2, 1920.djvu/180

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LES PROPOS D’ALAIN

les formations nouvelles et la politique de l’avenir. On voit sans peine, notamment, que le système des alliances doit en être profondément modifié. Mais surtout les méthodes de guerre doivent être changées radicalement. Car la guerre n’est plus un jeu où l’on se résigne à perdre parce que l’on a aussi l’espoir de gagner. La guerre a pour fin la liberté de tous, mais le vainqueur doit se refuser tout autre avantage ; et, en revanche, la défaite n’est jamais acceptée ; la paix suppose essentiellement le retour à l’état initial. Par exemple la seule idée qu’on puisse livrer les uns pour sauver les autres apparaîtra comme propre à des temps Barbares, où les territoires producteurs, avec les artisans et commerçants, appartenaient à une dynastie militaire et pouvaient être cédés à une autre. Selon le système nouveau, la Patrie est une et indivisible.

CXXXII

Il est nécessaire que les citoyens saisissent les principaux éléments du problème militaire, car si nous le laissons aux techniciens, nous leur laissons tout ; un de ces matins ils nous feront entendre que le régime démocratique est incompatible avec la défense nationale ; en vérité ils le disent presque. Il faut donc examiner les systèmes de tous ces professeurs de guerre, nourris principalement de lectures, de polémiques et d’expériences artificielles. Et c’est à quoi le beau livre de Jaurès sur l’armée nouvelle doit servir ; c’est pourquoi j’y reviens.

Il y a dans ce livre une organisation des milices, qui est une vue sur l’avenir ; et l’adversaire voudrait faire porter là-dessus toute la discussion. Mais on oublie tous les chapitres où les méthodes actuelles de guerre sont critiquées, non pas en l’air, mais d’après les professeurs de guerre eux-mêmes. Il faut voir le détail. Mais enfin voici le problème qui se pose à nous tous.

L’Allemagne a des troupes de caserne bien plus nombreuses que les nôtres ; cette supériorité est un fait de population, qu’il faut accepter comme une donnée du problème. Cela étant, une grande victoire peut-elle être remportée par nous à la frontière, dans un premier choc ? Telle est la question qu’il faut d’abord poser. Et les professeurs