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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/107

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des principes

CHAPITRE XI

DES PRINCIPES


Un système des principes est toujours sujet à discussion ; car on peut dire les mêmes choses avec d’autres mots. Nous entrons ici, en anticipant de peu, dans la connaissance proprement discursive. Et les principes ne sont que de brefs discours, en forme de règle ou de maxime, propres à rappeler l’esprit à lui-même, dans le moment où les apparences se brouillent, par exemple devant une prédiction vérifiée, ou un miracle de jongleur, ou bien quelque découverte physique qui semble renverser tout, comme fut celle du radium un moment. Encore faut-il distinguer les principes de l’Entendement d’avec les préceptes de la Raison. Nul ne l’a fait aussi bien que Kant, chez qui vous trouverez aussi un exposé systématique des uns et des autres, que je n’ai pas l’intention d’expliquer ni de résumer ici. Mais essayons de dire ce qui importe le plus. La Mathématique forme par elle-même un système des principes de l’entendement, c’est-à-dire un inventaire des formes sous lesquelles il nous faut saisir n’importe quoi dans l’expérience, sous peine de ne rien saisir du tout. Ce qui s’exprimera par des principes généraux du genre de ceux-ci : Il n’est point d’objet ni de fait dans l’expérience qui ne soit hé à tous les autres par des rapports d’espace et de temps. Il n’est point de changement en système clos qui, aux fuites près, ne laisse subsister quelque quantité invariable. Faites attention, au sujet de ce dernier principe, qu’il n’est que la définition même du changement. Le langage, qui se passe si bien d’idées, nous fait croire que nous pouvons penser quelque changement sans conversation de ce qui change. Et c’est bien ce qui arrive