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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/142

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DE LA CONNAISSANCE DISCURSIVE

argument, pour les peines éternelles, que Dieu étant infini, l’offense l’est aussi, et que donc la peine doit être infinie. Ce trait a terminé plus d’une discussion ; ce n’est pourtant qu’un jeu de mots. En suivant cette idée, si l’on peut dire, on trouve qu’il fallait le supplice d’un Dieu pour racheter nos péchés. Ce sont de naïves équations. Quoi que vaille l’idée, voilà une plaisante preuve. Mais ces preuves plaisent. Le talion était fondé sur plus d’une raison, mais il plaisait d’abord par la ressemblance du crime et de la peine, et aussi par le retour des sons. Raisonner est souvent comme rimer.

Qu’on mesure d’après cela la puissance de raisonnements bien mieux conduits qui, sous les titres de Métaphysique ou de Théologie, font comparaître les mots les plus riches, les plus émouvants, les plus ambigus de tous. Contre quoi une étude exacte de la logique pure, et une réflexion attentive sur les preuves du mathématicien est la meilleure précaution. Car, pour trouver le faible d’un argument un peu subtil, il faut d’abord n’être pas pressé ; formons plutôt un préjugé raisonnable contre tous les arguments. Mais il n’est pas inutile pourtant d’en examiner quelques-uns, en vue de vérifier les principes.