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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/204

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DES PASSIONS

parlant. Le vrai chemin du pardon, ce n’est pas de comprendre la faute par ses motifs, mais plutôt de la comprendre par ses causes. Indulgence en un sens, sévérité en un autre ; car, dans les moindres fautes comme dans les pires, on en vient toujours au roi fainéant. C’est ce qui faisait dire aux stoïciens que toutes les fautes sont égales. J’en viens par là à conseiller de ne pas trop se haïr soi-même ; il arrive plus souvent qu’on ne croit que la misanthropie aille jusque-là ; et nous nous trompons tout autant, sur nos gestes, sur nos paroles et même sur nos actes, que si nous voulons juger les autres. Parmi les paroles qui sont à regretter, combien sont méditées ? Mais notre erreur est de les peser ensuite, et de chercher en nous-mêmes un mauvais vouloir qui n’y est point, ou, encore pis, une nature méchante ; il n’y a rien de méchant ni de bon dans ce mécanisme ; rien ne t’enchaîne, ni tes fautes ni tes vertus. En bref, il y a deux erreurs, qui sont de croire que les hommes sont bienveillants et de croire qu’ils sont malveillants ; ces deux erreurs se tiennent.