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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/81

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de l’observation

CHAPITRE II

DE L’OBSERVATION


Afin d’éviter de traiter de l’esprit d’observation trop en l’air, disons, en suivant cette idée si naturelle des trois principaux métiers, qu’il y a bien trois méthodes d’observer. La plus ancienne, je crois, et la plus commune est celle du mage, toujours dirigée vers les hommes ou vers les animaux familiers, en vue de les rendre favorables et obéissants. Remarquez que chacun, et même l’enfant, veut être mage dans son petit cercle. Cette attention est portée par le désir toujours ; même réglée par volonté, elle est passionnée toujours ; elle est prière et commandement. Le médecin, le thaumaturge, le chef ont naturellement ce regard qui fait naître et grandir à la fin ce qu’il cherche. Dans l’ordre humain, et même dans le cercle des animaux domestiques, le miracle naît à chaque instant d’une prière ardente et d’une ferme espérance. Et n’oublions pas que cette physique est la plus ancienne, la plus importante pour tous, si ce n’est pour Robinson, la première enfin pour chacun, car l’enfant n’a d’autre moyen d’obtenir que la prière. De là tant de systèmes du monde, naïvement construits d’après cet ordre humain des amis et des ennemis. Cette méditation intrépide, qui tire tout de soi, porte toute recherche comme la mer porte les navires. Descartes cherchait la physique en Dieu. Prenez le temps de considérer le portrait du Prince de l’Entendement, comme j’aime à l’appeler, vous y verrez la naïveté avec la puissance ; mais pour traiter de Descartes comme il faut, une meilleure préparation est nécessaire. Comprenez seulement ici comment la pensée est née de la prière.

En contraste avec la pensée ambitieuse, je mets aussitôt la pensée