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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/112

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CHAPITRE IX

DE L’ÉLOQUENCE ET DE L’ACOUSTIQUE

Tout ce qu’il y a de neuf, qui analyse, qui pénètre, qui étonne et choque d’abord, est exclu de l’éloquence. Ceux qui n’accorderaient pas cela n’ont pas pensé que l’éloquence, de même que la poésie, doit être objet d’oreilles, non d’yeux, et pour une multitude. Et le plaisir d’entendre distinctement ce qui est dit, et de savoir que beaucoup d’autres l’entendent de même, en même temps, est tout le plaisir que peut donner l’éloquence. Ce n’est pas peu, car cet accord directement" perçu fortifie la foi et l’espérance, et rend à des idées trop connues la force qu’elles n’avaient plus. On ne dit rien qui vaille lorsque l’on remarque que les thèmes de l’éloquence sont ordinaires, car le concert et l’enthousiasme d’une foule n’ont rien d’ordinaire. Il faut voir à quel degré de faiblesse, de puérilité et de niaiserie descend une foule, par le libre jeu des imaginations, lorsque l’orateur se fait attendre. À vrai dire, c’est leur propre pensée qu’ils attendent, à l’église, aux assemblées politiques, et même au prétoire. On voit que la poésie est une éloquence mieux préparée. Le langage de l’orateur est donc plus libre, moins serré, moins assujetti que celui du poète aux conditions qui font une