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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

dire, qui n’ont rien de la voix humaine, mais qui ont aussi leur étendue, leurs passages faciles ou difficiles, leurs intervalles préférés. L’archet y joue naturellement son rôle ; il naît de l’archet une prononciation, si l’on peut dire, une articulation et un accent, que la voix humaine ne suggère point ; et il y a une respiration du violon, qui dépend de la longueur de l’archet. Or il arrive presque toujours que celui qui écrit pour le violon connaît assez l’instrument pour tenir compte de ces conditions, même sans y penser ; et il est naturel aussi que l’exécutant préfère les compositions qui font le mieux sonner et parler l’instrument ; il y a donc une musique de violon comme il y a une musique pour la voix. Essayez de chantonner seulement quelque musique célèbre écrite pour le violon, vous saisirez la différence ; et du reste chacun sait assez que le violon a bien plus d’étendue que la voix.

L’orgue s’est perfectionné par mécanique ; mais il y a des parties de l’orgue, comme le clavier, qui sont filles d’expérience aveugle seulement. Et il est clair que cette forme du clavier détermine déjà toute une musique. Les intervalles y sont figurés pour les yeux et pour les mains, les modulations aussi et les accords. Il faut noter, au sujet de l’orgue, que les traits du pédalier dépendent encore plus de l’instrument, et la forme de ces traits, aussi bien que certaines pratiques d’harmonie qui dépendent de la même cause, se retrouvent dans toute la musique d’orgue, et même assez souvent dans d’autres musiques ; car l’improvisation à l’orgue, qui est de métier, a été la source de beaucoup de compositions qui ont gardé toujours la marque originelle.

Le piano, dernier venu, est pourtant celui de tous les instruments qui influe le plus sur la composition musicale. Il ne manque pas de compositions pour orchestre, de musiques théâtrales, et de chansons qui sont nées au piano ; un musicien exercé les reconnaît sans peine, d’abord par la forme des traits et des ornements, et aussi par la marche de l’harmonie. Il est juste de dire que le piano d’aujourd’hui revient