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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/146

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

Il y a, il me semble, deux espèces de variations, l’une, qui tient de près à l’ornement, consiste à imiter le thème, mais en remplaçant les sons tenus et les passages francs par des traits rapides et des intervalles plus serrés ; ce qui peut n’être qu’un jeu ; mais si le thème est assez fort, il domine encore par-dessus les variations ; c’est comme un chant silencieux que l’auditeur recompose, et cela l’invite à chanter aussi en lui-même ; c’est pourquoi il y a toujours de l’amitié dans les plus belles variations. Les sonates pour piano de Beethoven en fournissent plus d’un exemple ; et rien ne fait mieux voir comment le musicien soumet le virtuose. L’autre variation, plus moderne, pourrait être appelée modulante ; la mélodie, déjà affirmée, revient, mais trompe un peu l’attente, et s’égare en des chemins nouveaux, toutefois soutenue et portée aussitôt par une harmonie qui efface l’ancienne et fait comme un départ encore ; cette variation, sobre dans son développement, exprime une richesse, des perspectives et la nécessité de finir ; ce sont des confidences dans un temps mesuré, et comme le soir d’une belle journée. Le Prelude Aria et Finale de César Franck, et son Quatuor offrent de ces merveilles.

Il y a aussi deux espèces d’ornements. Les uns, qui sont les groupes, entrent dans la mesure sans jamais l’altérer ; les autres, comme les roulades et le trille, rompent délibérément le rythme, et appartiennent à la déclamation. Les premiers sont dus surtout aux virtuoses de l’instrument, soit qu’ils délient leurs doigts par cet exercice, soit que, sur le clavecin ou le piano par exemple, ils essaient de raccourcir la durée d’un son prolongé, que l’instrument soutient mal. Les autres résultent de ce mauvais mélange, qui soumet trop souvent la musique à la poésie, ce qui déforme les deux ; les virtuoses du chant en font étalage, et ces ornements plaisent souvent par de petites causes, comme font les pirouettes du cirque. Mais le musicien a repris tout ce domaine. Justement parce que le trille et le groupe sont des exercices et prou-